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▪ Biographie

Fils d’un député conventionnel, Godefroy Cavaignac avait, dès le collège, pris la tête d’une émeute ! Après des études de droit sans enthousiasme, il se lance en 1827 dans le militantisme en faveur d’une république libérale. Combattant intrépide de la Révolution de juillet 1830 qui voit la chute de Charles X, il devient aussitôt un pilier de la Société des amis du peuple qui réunit bon nombre de savants et d’hommes de lettres et tente d’empêcher l’accession de Louis-Philippe. La Société appelle au combat et organise de grandes réunions publiques dans le manège de Caffin d’Orsigny, rue Montmartre. Le manège est fermé et la Société, dissoute, devient secrète. À la suite d’émeutes en décembre 1830, les principaux membres des Amis du Peuple, dix-neuf jeunes gens parmi lesquels Arago, Raspail, Blanqui et Godefroy Cavaignac, sont traduits en justice pour complot. Leur affaire est assez mal engagée. Mais en avril 1831, Godefroy y tient un plaidoyer républicain d’une telle qualité, citant La Fayette et expliquant que la République est inéluctable, qu’il sauve sa tête et celles de ses compagnons. Il est porté en triomphe par trois mille manifestants. Son discours, largement diffusé dans la presse, le rend célèbre dans toute la France.

Dans les années qui suivent, le plus efficace des activistes républicains, devenu un véritable chef de parti, s’installe à Saint-Maur avec sa mère, Marie-Julie Olivier de Corancez, et sa sœur, rue Saint-Honoré (auj. boulevard Maurice-Berteaux) dans une élégante maison de campagne, mais aussi un grand dénuement malgré quelques publications et les contributions de Godefroy à la presse d’opposition. Il y organise des réunions avec ses amis politiques chaque dimanche : les frères Arago, Louis Blanc, Victor Schœlcher, Ledru-Rollin. On y conspue Louis-Philippe et on rêve sur l’avenir de la France. Le préfet de police y commande deux perquisitions minutieuses en 1832 et 1833. Un de ses amis raconte que c’est monté sur un poney qu’il traversait le bois de Vincennes pour aller animer le réseau de sa très secrète Société des Droits de l’Homme — qui avait pris le relais des Amis du Peuple — et soulever les ouvriers typographes parisiens réduits au chômage par la mécanisation, en particulier à l’imprimerie Pinard, quai Voltaire, qui sera incendiée. Après la nuit d’émeutes de la rue Transnonain, où tous les habitants sont massacrés au canon, 164 républicains sont emprisonnés en avril 1834. Godefroy se cache puis finit par se rendre par loyauté. Tous seront condamnés à la déportation sans procès. Mais Godefroy s’évade de façon spectaculaire de Sainte-Pélagie par un souterrain avec Barbès et 26 autres détenus et s’exile en Angleterre, d’où il continue à agiter les milieux ouvriers. Rentré en France fin 1839 à la faveur d’une amnistie, il codirige le journal La Réforme, financé par Ledru-Rollin et le banquier Laffitte. Atteint d’une pleurésie, il meurt trop tôt sans connaître la République. Son gisant au cimetière Montmartre a été sculpté par Rude. C’est en 1884 qu’à Saint-Maur son nom a été donné au prolongement de la rue des Remises. — Son frère cadet Eugène, général puis maréchal de France, a été l’un des conquérants de l’Algérie et ministre de la guerre puis président du Conseil en 1848 ; très populaire, il a cependant échoué à la présidence de la deuxième République face à Louis-Napoléon Bonaparte. — Son neveu, également appelé Godefroy Cavaignac, a été polytechnicien, maître des requêtes au Conseil d’État, député de la Troisième République et ministre de la Marine puis de la Guerre, mais aussi antidreyfusard, suscitant l’épithète de Zola « Les Cavaignac se suivent mais ne se ressemblent guère ».

Pierre GILLON

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▪ Bibliographie

  • Mémoires de M. Gisquet, ancien préfet de police, Paris, 1840, t. III ;
  • J. Ambert, Portraits républicains, Paris, 1870, p. 79-155 ;
  • E. Werdet, Souvenirs de la vie littéraire, Paris, 1879 ;
  • Ph. Audebrand, Nos révolutionnaires (1830-1880), Paris, 1886 ;
  • G. Weill, Histoire du parti républicain en France (1814-1870), Paris, 1928 ;
  • Notes de G. Saouter (Le Vieux Saint-Maur).