▪ Biographie
Sans doute est-il issu d’une longue lignée d’ouvriers en draps d’or, d’argent et de soie de Paris. Maître juré de la communauté, son père a tenté en vain l’union avec la communauté des tissutiers-rubaniers. Marcelin est maître à son tour avant 1645, en charge de la communauté, fournisseur du roi dès 1666 en velours et brocatelle, et participe à l’établissement de l’étalon de l’aune de Paris et des règles de sa communauté. Il s’est associé à sa sœur Françoise et fournit la Manufacture des Gobelins en larges étoffes pour faire des « tapisseries de peinture ». Manquant de place à Paris, c’est en 1677 qu’il fonde pour trente ans, à l’instigation de Colbert et avec des maîtres-ouvriers parisiens, la Manufacture de draps d’or, d’argent et de soie de Saint-Maur-des-Fossés, établissement modèle qui produit des étoffes de luxe reconnues pour les plus belles de l’époque, au point d’éclipser pour quelques années les soiries de Lyon : draps d’or, d’argent et de soie, damas, brocards, velours à ramages brochés d’or, imitation d’étoffes perses ou italiennes. De 1684 à 1689, la Manufacture de Saint-Maur est le principal fournisseur de Versailles en tissus d’ameublement exceptionnels, dont les rideaux en damas blanc brochés d’or au chiffre du roi de la Galerie des Glaces et tous les brocards et autres taffetas des cabinets, Grands appartements, salle du Trône et du Trianon ainsi que de la Galère royale, tous sur les dessins de Jean Bérain, peintre du roi. Si les commandes royales cessent après 1698, elle fournit encore les grandes cours européennes. En 1700, on y décrit des métiers énormes de 35 000 cordes permettant de tisser des pièces hors normes. Créateur génial de toutes sortes d’étoffes, Marcelin Charlier invente aussi le ras de Saint-Maur, soie noire croisée d’une grande finesse, sorte de popeline, qui sera fabriquée et utilisée surtout pour le deuil dans toute l’Europe, dans les colonies et jusqu’au Canada au XVIIIe siècle. La manufacture, qui se trouvait place d’Armes, à l’emplacement du lycée Teilhard de Chardin qui occupe l’un de ses anciens bâtiments, ne survit pas longtemps à l’arrêt des commandes de Versailles et à la crise économique des années 1700, qui voit les productions de Lyon et la concurrence étrangère prendre le pas sur les productions parisiennes. Son fils Guillaume (1677-1757) perpétuera le tissage des étoffes de soie, d’or et d’argent à Paris.
Pierre GILLON
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▪ Bibliographie et sources
- P. Gillon, Marcelin Charlier et la Manufacture de draps d’or de Saint-Maur, étude inédite, 2011-2012, archives du Vieux Saint-Maur ;
- J. Coural et C. Gastinel-Coural, « La Fabrique lyonnaise au XVIIIe siècle », Revue de l’Art, n° 62, 1983, p. 49-64.