▪ Biographie
Né à Lubersac (Corrèze), il a fait ses études au lycée Montaigne à Bordeaux, où il aurait été le condisciple de Félix Éboué, futur gouverneur général de l’Afrique française. Après son bac (1904), il opte pour les études de physique-chimie, contre l’avis de son proviseur qui voudrait l’envoyer à Saint-Cyr, sans doute parce qu’il a été 33e au concours de tir national. À 23 ans, il est nommé professeur près d’Alger, tout en poursuivant ses études. Rappelé et mobilisé en 1914 dans les transmissions, il est gazé par deux fois : il en gardera un eczéma. Entre deux campagnes il épouse Jeanne Bapt en juillet 1917 à Clermont-Ferrand. Il a reçu la croix de guerre avec trois citations en 1916 et 1918 : dévouement absolu, parfait mépris du danger, officier remarquable par sa science technique et son activité inlassable, courage, exemple pour tous, a obtenu de ses hommes le maximum, etc. Il rejoint son affectation en Algérie où son fils naît à El Biar en 1921. Puis il est nommé professeur de physique-chimie à l’École primaire supérieure (EPS) de garçons de Saint-Maur (futur lycée D’Arsonval) et s’installe au 114 avenue Marinville. C’est un professeur imposant avec sa barbe et son accent méridional, mais bienveillant et qui bredouille parfois en répétant la fin des mots. Soucieux d’égalité, il interdit tout signe extérieur d’appartenance pendant ses cours. Georges Saouter raconte cette anecdote : vers 1936, il interroge un élève qui ne sait pas sa leçon. « Tu es français ? — Oui. — Alors va à ta place, je suis peiné ». Membre puis président des Auvergnats de Saint-Maur — plus ancienne amicale de banlieue de ce type, fondée en 1897 —, c’est lors d’un banquet de l’amicale présidé par le professeur D’Arsonval, auquel assiste le romancier Henri Pourrat, qu’il se voit remettre la Légion d’Honneur en 1931. Et c’est sur la proposition de Pierre Monville en 1938, que D’Arsonval accepte de parrainer l’EPS, qui prendra son nom quelques années plus tard.
Dès l’été 1940 il s’engage dans la résistance et participe aux tâches de surveillance et de renseignements. En 1942, aidé de Guy Morin, Robert Malbernat et Louis Laffitte, il recrute des cadres pour les futurs groupes. Il a fait partie du réseau Alliance puis du réseau Manipule, un des réseaux qui a succédé au réseau du Musée de l’Homme : au printemps 1943, le colonel Numa, de l’Armée secrète, et les agents de Manipule organisent des réunions de contact à La Varenne. Il est actif ensuite dans « Ceux de la Résistance », créé en mai 1943, l’un des huit grands réseaux membres du Conseil national de la Résistance. Sous le nom de Renaud Dauvergne, il met sur pied plusieurs groupes de résistance et entraîne aux côtés d’Antoine Schlicklin les Volontaires de Saint-Maur à partir de l’automne 1943. En août 1944, des réunions secrètes au sous-sol de la bibliothèque, ou au 6 rue Vassal ou au 14 avenue du Nord permettent de coordonner les dix groupes locaux de résistance (2 275 hommes) et de constituer chez Le Trocquer, futur maire, le Comité local de Libération. Le groupe principal est le Bataillon Hoche (700 hommes), commandé par Monville et Lecoq, qui, intégré aux FFI du secteur Est, participe à la libération de Saint-Maur et de sa région du 18 au 29 août 1944 : occupation de l’hôtel-de-ville, d’Est-Lumière, du central téléphonique et de l’usine des eaux, barricade du pont de Créteil, défense du pont de Joinville, mise en fuite de chars Panthers à Boissy-Saint-Léger, prise de canons à Sucy après une reconnaissance périlleuse au PC du colonel allemand Koch, etc. Cité en 1945 et 1946, il reçoit à nouveau la croix de guerre.
Sur l’insistance de son collègue et ami Henri Pouvereau, président de la Société d’histoire et d’archéologie, il publie une brève histoire de la libération de Saint-Maur dans le bulletin Le Vieux Saint-Maur en 1946 et prend sa retraite l’année suivante. Il y passe presque sous silence son propre rôle. Il sera lui-même membre du Comité de direction du Vieux Saint-Maur de 1946 à sa mort. Il a reçu la médaille d’or de la Ville de Saint-Maur en 1958 et le conseil municipal a décidé de donner son nom à la place de la gare de Saint-Maur Créteil en 1968 mais cette décision n’a pas été appliquée. En 1981, sa mémoire a été honorée d’un buste installé dans les jardins de la bibliothèque de Saint-Maur-des-Fossés, devenue Médiathèque Germaine Tillion en 2008.
Pierre GILLON
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▪ Bibliographie et sources
- Dossier Légion d’Honneur 19800035/0357/48022 ;
- dossier Service historique de la Défense GR 16P n° 428467 ;
- P. Monville, « La ‘Résistance’ et la libération de Saint-Maur (18-29 août 1944), Le Vieux Saint-Maur, nos 16-17, 1946, p. 2-4 et 1947, p. 17-18 ;
- L’Auvergnat de Paris, 27 octobre 1962 ;
- H. Pouvereau, « Pierre Monville (1866-1962) », Le Vieux Saint-Maur, n° 43, 1963, p. 461 ;
- Collectif, « Germaine Tillion et le réseau du Musée de l’Homme à Saint-Maur-des-Fossés », Le Vieux Saint-Maur, n° 77, 2010, p. 80-82 ;
- Collectif, Les orphelins de La Varenne (1941-1944), éd. Le Vieux Saint-Maur, 1995, p. 37 ;
- L. Gillon, Quelques souvenirs de l’EPS de garçons de Saint-Maur-des-Fossés (1932-1934), Archives du Vieux Saint-Maur ;
- G. Saouter, Souvenirs, recueillis en 2016 ;
- conférence de Jean-Pierre Monville lors du centenaire du lycée D’Arsonval le 6 octobre 2018.