▪ Biographie
Originaire de Belfort où son père est conservateur de la bibliothèque, il s’y forme en tant qu’adjoint de 1916 à 1917 à l’issue de brillantes études. Après un temps dans l’Armée, il arrive à Paris en 1929. En 1935, il est secrétaire général de la direction de l’exploitation technique de l’Exposition internationale de 1937, installée au Palais de Chaillot, où il côtoie et est formé par les responsables de deux établissements alors tout nouveaux, symboles d’une culture humaniste déjà menacée : le Musée des Arts et Traditions populaires fondé par Georges-Henri Rivière, assisté d’Agnès Humbert, et la Bibliothèque du Musée de l’Homme, dirigée par Yvonne Oddon, dont il devient un ami très proche. En avril 1938, il est nommé conservateur de la bibliothèque, des archives et du musée de Saint-Maur et vient habiter 20 avenue Émile-Zola. Il succède à Ernest Fort (1921-1938), premier bibliothécaire de Saint-Maur, qui avait installé la bibliothèque avenue Henri Martin en 1932, créé le service des Archives ainsi que le Musée local dont il publia un catalogue. Antoine Schlicklin restera 26 ans à la tête de l’établissement.
Sa carrière est entrecoupée par la guerre et l’Occupation : rappelé en mars 1940, il participe à la brève campagne de France puis regagne Saint-Maur et s’engage dans la résistance dès octobre. Agnès Humbert lui fait intégrer le Réseau du Musée de l’Homme, premier mouvement de résistance constitué durant l’été par les responsables et les conservateurs des principaux musées parisiens. Il y est, sous le nom de « M. de Saint-Maur », un agent très dévoué selon Agnès Humbert, bientôt chargé d’organiser un groupe armé et d’entraîner les jeunes de la banlieue. Il met à l’abri les livres censurés par les Nazis et participe à la diffusion du très éphémère journal Résistance (décembre 1940 à mars 1941) dont le dernier numéro est rédigé par Pierre Brossolette, tandis que le réseau, dénoncé par un traître, est partiellement démantelé. Le chef du réseau, Boris Vildé, et six membres sont fusillés au Mont Valérien ; Yvette Oddon et deux autres femmes sont déportées. Germaine Tillion prend le relai à la tête du réseau avant d’être à son tour trahie par l’abbé Alesch, vicaire à La Varenne, arrêtée en août 1942 puis déportée.
De son côté, Antoine Schlicklin, assisté par sa femme, qui se révèle un agent de liaison remarquable, et par son fils Jean-Marie qui a créé un sous-groupe de résistants au lycée Marcelin-Berthelot, a mis à la disposition de la résistance les sous-sols de la bibliothèque, où l’aident Marinette Lemoine et l’artiste Andrée Chameron. Il diffuse la brochure Témoignage 43, rédigée par le poète saint-maurien Raoul Boggio, donne des cours d’instruction militaire et collecte des renseignements pour Londres qu’il transmet grâce à Robert Malbernat. Il prend le nom de Kléber et développe avec Pierre Monville son groupe paramilitaire qui devient, fin 1943, le bataillon des Volontaires de Saint-Maur et se réunit au sous-sol de la bibliothèque. En juillet 1944, ce groupe intègre le bataillon Hoche, dont Monville prend le commandement, lui-même intégré aux FFI du secteur Est, qui libèrent la région le mois suivant.
Antoine Schlicklin a reçu la Croix de Guerre et la Médaille de la Résistance, sur laquelle il a constitué un précieux fonds documentaire. Durant l’Occupation, la bibliothèque a accru sa fréquentation, étant un des rares lieux de loisirs. En 1953, elle est agrandie de deux ailes pour accueillir le musée, les livres et une section enfantine, « l’Heure joyeuse » décorée d’une fresque de Girol. Elle reçoit le fonds de l’historien Émile Magne, dont Antoine Schlicklin fait acheter la bibliothèque. Parmi les recherches auxquelles il s’est livré, notons une étude sur le mobilier et les peintures du château de Saint-Maur (INHA, 4F1958), des sondages à l’abbaye, permettant de repérer les vestiges de l’église abbatiale et de faire abandonner à la Caisse des Dépôts son programme de réalisation de logements (1958-1960), des démarches aux côtés de la Société d’histoire et d’archéologie pour tenter, en vain, de sauver de la démolition le Petit Bourbon (1958-1964), et des dépouillements des registres paroissiaux en vue d’une thèse de l’École pratique des Hautes Études sur la démographie historique de Saint-Maur (1962-1963). Perdus lors d’une inondation des Archives, ces dépouillements ont été largement remplacés depuis par ceux réalisés sous la direction de G. Babin (Archives du Vieux Saint-Maur).
Pierre GILLON
~ ~ ~
▪ Bibliographie
- A. Humbert, Notre guerre. Souvenirs de résistance, Paris, 1946, p. 50-55 ;
- Le Vieux Saint-Maur, n° 28 et 29, 1962 ;
- M.-D. Heusse, « La lecture publique à Saint-Maur depuis 1881 », Le Vieux Saint-Maur, n° 59, 1986, p. 24-25 ;
- Antoine Schlicklin (1899-1980), bibliothécaire-archiviste, conservateur du musée et patriote, exposition à la Bibliothèque municipale de Saint-Maur-des-Fossés, 2010 ;
- J. Blanc, Au commencement de la Résistance. Du côté du musée de l’Homme, 1940-1941, Paris, 2010 ;
- Collectif, « Germaine Tillion et le réseau du Musée de l’Homme à Saint-Maur-des-Fossés », Le Vieux Saint-Maur, n° 77, 2010, 143 p.